Et c'est parti pour le récit des 42,195 kms.
Samedi : très stressés le matin, nous préparons nos valises et nous nous chicanons dans la voiture.
arrivés sur La Rochelle et après le déjeuner, nous allons chercher nos dossards puis rejoindre les filles au café de l'Aquarium.
il fait froid mais beau, cela augure du meilleur pour le lendemain.
on papote toutes par petits groupes et nous faisons un boucan infernal.
J'ai bien cru que la serveuse allait faire une dépression nerveuse car personne ne répondait à ses questions.
C'est pour qui le coca ? et les thés ?
Le soir re-belote au restau où nous passons un très agréable moment à partager nos espoirs et expériences.
Je suis contente de rencontrer toutes ces personnes qui jusque là n'étaient que virtuelles.
Ces filles sont adorables (ça fait quand même super bizarre que des gens vous reconnaissent alors que vous ne les avez jamais vu).
Nous logeons dans un appartement hôtel de vacances qui est situé au 3ème étage sans ascenseur (ça aura un intérêt pour la suite).
Je ne suis plus du tout stressée, j'ai l'impression que demain est une longue sortie un peu musclée, plus qu'un marathon.
Dimanche matin sur les marches de l'aquarium.
Le groupe se reforme. Je pars avec Nath pour un petit pipi avant compète mais il y a une queue incroyable (pire qu'au assedics).
Je n'y tiens plus et fonce dans un parking en abandonnant Nath pour faire pipi entre 2 voitures.
1 verre de jus de raisin = un pipi d'au moins 10 minutes (allez comprendre quelque chose à ça).
Je n'ai rien pris d'autre que du jus de fruit et quelques amandes, ainsi que 2 smectas. Dans ma ceinture, il y a 2 immodiums et mes gels.
Je prie le dieu du trône pour qu'il soit clément avec moi sur ce coup là.
Il fait un temps de chien. neige fondue, pluie fine, froid mais pas de vent.
Je suis glacée et supporte mal le froid.
petite photo de groupe avec CLM et nous voilà en chemin vers le sas.
Je me mets avec Claire (de CLM), je l'ai rencontré hier et sa douceur emprunte de volonté tranquille teintée d'un poil de stress m'apaise.
elle souhaite faire 3h40 c'est son 2ème marathon et 2ème La Rochelle.
Je me rappelle extrêmement bien aussi des derniers kilomètres et les douleurs qu'ils engendrent.
J'espère revoir Babou et Yanne, un jour dans cette foule et aussi Runsk.
Car nous avons toutes les 3 à peu près le même objectif.
Le départ est donné et nous marchons, il y a une foule incroyable, c'est un peu flippant.
Quand nous passons en centre-ville, un énorme feu d'artifice jaillit dans le ciel au son du "happy birthday" de Stevie Wonder.
Je ne peux même pas en profiter, toute concentrée que je suis pour éviter de trébucher sur mes congénères.
On me pousse, me bouscule, je joue des coudes pour garder ma place et essaie de remonter un peu la file pour trouver de l'air.
Au bout de 3 kms je vire mon sac poubelle et met mon ipod. Je rentre dans ma bulle, je suis seule...ça va le faire me dis-je.
Je trouve mon allure assez facilement, d'abord 5min45 du km pendant 5 kms et ensuite 5:40.
Je passe les 10, 20, 25 et 30 kms au chrono ciblé, j'ai seulement 6 minutes de retard au 30ème et ça me va très bien.
Au 17ème Tugdual me rejoint. Ma TFL commence à donner des signaux d'alerte.
rien de dramatique, je croise les doigts pour que ça n'évolue pas plus. Je tiens le rythme.
Tugdual m'indique qu'il se sent bien et souhaite accélérer. A contre-coeur je le pousse à le faire. Zut j'étais tellement contente de le sentir près de moi, que ça m'enlevait les mauvaises sensations du genou.
18ème-20ème kms, la TFL accentue un peu ses signaux. Ok de toute façon je ne ferais pas 4 h et jusque 4h15, je serais contente du chrono.
J'aperçois encore Tugdual 100 mètres plus loin. J'ai l'impression qu'il a ralenti, et je me dis qu'on peut finir ensemble.
Mais Miss TFL en décide autrement et m'oblige à ralentir pour lui faire plaisir.
ça fonctionne un peu, elle chuchote maintenant.
Nous avons pris un gros grain vers le 10ème km et je suis trempée comme une soupe. J'ai eu chaud, mais maintenant j'ai froid. Mes doigts sont gourds et j'ai du mal à remettre mes gands.
J'ai commencé à prendre du gel dès le 3ème kilomètre. ça passe bien, je remercie Brinouille intérieurement de m'avoir fait découvrir cette merveille.
Vers le 22ème, mon genou en a marre. j'en profite pour faire une pause pipi dans le parc.
Au bout de 2 minutes (je me suis battue avec mon collant, mon lacet de collant et mes épaisseurs, pour me rhabiller), je repars. les pulses sont bien redescendues, je me sens en forme.
Au 25ème j'aperçois Babou. Oulala que je suis contente. Moralement ça commence à être dur d'être toute seule. Je me dis si je me mets à sa hauteur, nous finissons ensemble et ça va être moins difficile.
Babou a un bon rythme et une allure régulière. Je hèle notre petit marin qui sans se retourner me fait un signe de la main.
Elle est motivée notre Babou, elle ne lâche rien.
J'essaie de la remonter mais dès que j'accélère mon genou grince.
Je la laisse partir devant.
Me voilà avec un moral qui décline au fur et à mesure que mon genou fait des siennes. Maintenant à chaque foulée j'entends "pain, pain, pain" (oui mon genou parle anglais mieux que moi) et je sais dorénavant que la douleur va grandir, grossir et ne jamais cesser tant que je courrais.
30ème kilomètres, j'ai mal à en pleurer. Je marche à chaque ravitaillement depuis le 25ème et pourtant j'ai encore l'espoir de finir en 4h15.
Les organisateurs annoncent un chrono de 4h05 à ce stade.
Je me dis : "ne lâche rien, tout n'est pas joué, ne lâche rien"
Je m'accorde le droit de ralentir à 6min 30, mais ma combine ne fonctionne plus.
Mon TFL est sacrément énervé et m'en fait voir de toutes les couleurs.
Mario et son petit vélo me remonte. Je sais qu'il veut faire 4 h15. J'essaie de le suivre mais j'entends un bruit de casserole. Mon genou, encore lui, brinqueballe autant que les casseroles du petit vélo de Mario.
Aller hop, celui là aussi je le laisse filer.
Et maintenant, c'est la solitude, le désert, j'erre comme une âme en peine et me met à marcher au 32ème kms. Je m'étais jurer de ne marcher qu'au ravitaillement, mais la douleur à pris le pas sur ma raison.
Je pleure, je n'en peux plus. Je ne suis même pas en rage. Juste épuisée de cette douleur que je n'attendais pas si vive, ni si tôt dans la course.
Je me dis qu'avec mes bêtises j'en ai encore pour des mois à ne pas pouvoir courir.
Que si à chaque fois que je fais un marathon c'est pour finir blessée, où est vraiment l'intérêt.
Je me dis que je suis nulle d'avoir voulu le faire ce marathon.
En plus j'aime pas les prépas d'automne et puis je ne supporte pas le froid, ça me tétanise.
D'ailleurs le mal de genou est arrivé dès que mes ischios ont commencé à tétaniser.
Je me dis que je suis une petite chose de salon et que je suis bête de vouloir lutter contre ma nature profonde.
Mon mari me manque, mais j'arrive à trouver un peu de bonheur en l'imaginant franchir la ligne avec le chrono qu'il espère.
Tout un coup, un groupe me dépasse et un monsieur m'invective et essaie de me relancer.
J'ai les yeux dans les chaussettes et je dois faire vraiment pitié car il retourne à ma hauteur et me dis : "aller hop on va le faire ensemble, tu vas y arriver, surtout ne marche pas, cours doucement mais ne marche pas".
Je lui explique que c'est mon 2ème marathon. Je lui parle de mes espoirs de chrono et de ma saloperie de tendinite qui m'emmerde la vie.
Il me rassure, me dit, mais enfin, on est là pour se faire plaisir, le chrono on s'en fou.
Comme j'aimerais avoir cette sagesse.
Il va me parler comme ça tout du long et me hisser jusqu'au 35-36ème kms.
Il s'appelle Bertrand, il est de Rennes, c'est tout ce que je sais et je lui suis reconnaissante pour l'éternité.
Il me fait lui promettre de ne pas abandonner et de finir et puis il me laisse, une fois rassuré sur mon état mental.
37ème km, je peux encore y arriver et puis ces derniers kilomètres sont trop longs.
Je veux en finir et me reposer. J'accélère - c'est quand même dommage d'en avoir sous le pied et de devoir mettre le frein pour cause de tendinite - je remonte à 6:15 du km. Je me dis que si je maintiens cette allure, ça va vite être terminé.
100 mètres plus loin, je lâche un cri de douleur. C'est tout bonnement impossible.
Je n'arrive plus à soulever mon genou.
Alors jusqu'au 41ème je vais faire du skating. Je glisse mes pieds sur le bitume et attend que ça se passe. Les kilomètres ne défilent pas beaucoup.
Mon dieu que c'est long et surtout qu'elle coup au moral de se faire dépasser par la cour des miracles.
Mais au fait j'y pense, moi aussi j'en fait partie de la cour des miracles (ça me plombe aussitôt le peu de moral que j'ai).
Je grimace, je pleurniche, me voilà à nouveau dans la foule.
du 37ème au 40ème je ne cesse de parler à voix haute et de répéter "aller, aller, mais aller bondieu !".
Et là au 41ème kilomètre alors que je m'efforce de courir pour donner le change à la foule de spectateurs qui nous entoure. Alors que je grimace et que je sanglote.
Quelqu'un me tape sur l'épaule. Je me retourne, une tête connue
C'est Michel !!! mon dieu que je suis heureuse de le voir.
Il me saute au cou comme une vieille médaille et me tape un gros poutou sur la joue.
Je le lui rend bien volontiers.
Michel c'est un de mes interlocuteurs au travail, c'est un client et nous savions que nous courrions tous les deux ce marathon.
Il me dit qu'il était sûr que c'était moi et qu'il est super content de me voir.
Je lui explique mes petits malheurs et il me dit, moi aussi je suis cassé.
j'ai mal aux fesses (tendinite aussi) et mes hanches sont bloquées.
Aller on fini ensemble ! me dit-il.
Je lui explique que je ne peux plus courir ou à peine. Il est têtu comme une mule et se met à ma hauteur et se câle sur mes pas (j'ai honte de le ralentir autant).
et voilà ces saloperies de pavés. J'ai bien l'impression que je vais mourir 3 mètres avant la ligne d'arrivée.
Depuis 10 kms j'ai comme des aiguilles qui s'enfoncent sous mes pieds, l'impression de courir pieds nus, sans semelle, sans amorti.
et là les pavés c'est un cauchemar. Mais en tout cas, ça fait tellement mal aux pieds que j'en oublie la douleur du genou.
Michel m'attrape la main et me dit aller on passe la ligne ensemble :
4h26 on peut l'avoir !
Je lui serre la main de toute mes forces, il me fait accélérer. Mon genou hurle, je ne lâche rien. Le photographe nous attend en embuscade et je souris de voir un chrono amélioré de 2 minutes (4h25 en temps réel).
Je l'ai eu mon arrivée d'anthologie, sourire aux lèvres (même si crispée) et bonheur de franchir la ligne.
Je crois que si Michel ne m'avait pas tenu la main, je n'aurais jamais franchi la ligne d'arrivée.
On se tombe dans les bras l'un de l'autre bien content d'en avoir fini.
Dans la queue pour rendre la puce, nous papotons, refaisons la course et là Yanne me saute dessus. Oh mon dieu que je suis contente de la voir (et étonnée aussi). Elle a fait 4h23 et a subit des crampes après le 30ème. Elle est déçue et je la comprends vu ses temps de passage jusquau 30ème.
Puis Runsk nous rejoint, elle termine en 4h27. Elle qui la veille m'annonçait ne pas avoir l'impression de vraiment se déchirer en course, elle semble rincée (comme nous tous).
Je lui demande "alors t'as tout donné ?" et elle de me répondre "OH OUI !".
On a froid, on papote mais ça caille vraiment de trop.
3 grains qu'on s'est pris sur ce parcours et là, nous ne rêvons que d'une chose être au chaud et au sec.
J'attrape mon coupe-vent, mes cadeaux et donne ma bourriche d'huitres à Yanne.
j'essaie de filer vers un bistrot pour que Tugdual me rejoigne.
Je rencontre Lolotte transie de froid (4h15) et puis Japhy qui a couru 7 kms avec Miss Marple et son plâtre.
On se sépare et je tombe à nouveau sur une connaissance : une nana de la rencontre "marathon de Nantes" puis Didier, une personne du TCN (3h13 - un autre monde).
et me voilà dans le café près de la grosse horloge. Je dois être bleue ou bien blanche comme un linge car tous les regards se tournent sur moi.
M'en fou, j'ai fini, j'ai ma médaille autour du coup, j'ai tout donné et en plus j'ai amélioré.
Je sais que 4h15 sont à ma portée maintenant.
En revanche, je vais laisser cette distance pour un bout de temps.
Je vais me focaliser sur le triathlon et les semi.
L'objectif est de descendre mon chrono au semi (1h50) pour pouvoir courir un marathon en confort sous les 4h30.
J'ai aussi envi de faire un demi-ironman l'été prochain. Et surtout je ne veux plus commencer une prépa avec un demi genou et me blesser encore.
On est là pour le plaisir, pas pour se faire mal et ne plus pouvoir courir par la suite (n'est-ce pas Bertrand ?)
Mais quel bonheur de vous avoir toute rencontrées et d'avoir rencontré des personnes si gentilles sur cette course.
Rien que tout ça valait toutes les tendinites du monde.
Et puis j'oubliais de vous dire : je n'ai pas eu mal au ventre -
c'est pas une grande victoire ça ?
c'est pas une grande victoire ça ?
Annecdote : il nous aura fallu 20 bonnes minutes pour descendre les valises sur 3 étages. On l'a même fait à reculons à un moment donné.
Le soir et le lendemain, je ne peux plus plier mon genou.
Je recommence le protocole de pansement occlusif au voltarène.
J'espère me débarrasser une bonne fois pour toute de cette tendinite.
Repos capesque jusque fin janvier au moins.
En attendant : récupération, vélo, piscine et fitness.