15 juil. 2015

CHALLENGE ROTH DISTANCE IRONMAN - L'ÉTÉ SERA CHAUD, L'ÉTÉ SERA CHAUD

Dans les tee-shirts dans les maillots... d’la Côte d’Azur à St Malo Roth (je voulais mettre Dachau pour la rime, mais ça peut prêter à interprétation et ce n’est pas de très bon goût même si j’en suis sûre certains ont souri... si si je vous vois, d’ailleurs moi-même j’ai souri... je sais, j’ai honte).

Parce qu’un Ironman c’est une aventure avant tout. Je veux dire qu’autour de la course il se passe tellement de choses que le mot aventure prend tout son sens. Je vais vous conter par le menu Roth 2015.



D’abord pour courir un ironman il faut une bonne motivation. Pourquoi Diable vais-je aller m’infliger 226 kms, pourquoi ? Dans quel but ? Et surtout pour quoi ?

Il y a les masos qui veulent toujours plus de douleur parce qu’après « c’est trop bon quand ça s’arrête »
Il y a les néophytes qui veulent se frotter à la distance mythique (c’était moi en 2013)
Il y a les fofollasses  qui y vont pour se marrer entre potes.
Et il y a ceux qui veulent vérifier un truc (c’est moi en 2015).
Et puis y a les autres, parce qu’il n’y a pas de profil type d’ironman. Il y a autant d’ironmen que de personnalités dans le monde.

Je serais plutôt d’une nature prudente, mais malheureusement j’ai l’âme d’un savant fou. La fille naturelle de Scoubidou et du Dr Frankenstein, celle qui est à l’origine du « J’y vais, mais j’ai peur !!! » Bref à Vichy je m’étais vraiment beaucoup amusée (un peu fofollasse aussi sur les bords), mais j’étais déçue du marathon que j’avais marché plus que couru. Alors voilà il n’en fallait pas plus au Dr Frankenstein qui sommeille en moi pour faire germer un nouveau challenge à relever, et partir dans des calculs savants que si tu ne marches qu’aux ravitos (parce qu’il faut bien te nourrir et t’hydrater quand même à un moment), mais que tu cours, voir que tu patines, voir même que tu fais la toupie bavaroise, ou la brouette tyrolienne, ben tu peux le faire, tu peux arriver à courir non-stop sur le marathon d’un ironman. Alors armée de mes convictions, je demande à Yvonnick d’élaborer une stratégie pour me préparer à courir 42 bornes après un échauffement de 3,8 kms de natation et 180 kilomètres de vélo. Pendant 1 an je vais à nouveau vivre Ironman, bouffer Ironman, dormir Ironman, m’entraîner Ironman et tourner Irondingue.

La prépa se passe très bien, aucune blessure, et du volume bien digéré, un mental en béton. Suis indestructible, invincible, inébranlable, inarrêtable, en 3 mots : une machine de guerre. Puis viennent les premières chaleurs : fortes, abrutissantes, desséchantes, alourdissantes. Que nenni ! La machine est lancée ! Yvonnick roule à mes côtés quand je fractionne et m’asperge d’eau, je retiens mes vomitos, je ravale mes râles d’agonie. Le mois de juillet est enfin là, je suis prête, plus que prête.

Je ne vous parle pas du village ironman parce que ça pourrait faire l’objet d’un article complet. Sachez, que c’est juste la mort pour les cartes de crédit et que c’est une ambiance incroyable.



Mardi 8 juillet : il fait tellement chaud à Nuremberg qu’une chape de plomb tombe sur mes épaules. Il fait tellement sec que mes paupières restent collées à mes orbites. Il y a tellement de vent que je n’ai même plus besoin de m’épiler les jambes. Je dégouline de sueur rien qu’en respirant. Il fait tellement chaud que même la transpiration transpire. Déjà j’émets un léger doute sur l’aboutissement de l’ironman. Entendons-nous bien : je vais finir hein ! Mais je vais sûrement finir en rampant et ça, j’ai pas très envie.

Mercredi 9 juillet : il a fait un orage dantesque et je suis absolument ravie de découvrir qu’il pleut, qu’il fait frais, qu’il fait gris et que merdalor je suis une vraie Bretonne ! 

Vendredi 10 juillet : il fait un temps idéal. Doux, ensoleillé, pas trop de vent. Le moral remonte à bloc, je suis très en confiance. On rencontre Anthony et Arnaud qui viennent eux aussi pour la course. Rappelez-vous j’avais fini le marathon de Vichy avec Arnaud en 2013 et son accompagnateur-motivateur c’était Anthony. Pasta-party le soir : je mange comme une ogresse ; comme un condamné à son dernier repas. En plus Anthony, s’arme de tout son courage et affronte une queue de près de 5 kms pour nous ramener des kaiserschmarrn en dessert. Là toutes les voix à l’intérieur de moi tombent d’accord : nous sommes amoureuses des Kaiser-Sauzé-machintruc-là-lescrêpes-delamortquitue. J’en oublie presque que Macca et Yvonne Von Vlerken sont dans la salle.

Samedi 11 juillet : dépose des vélos dans le parc. J’ai oublié ma casquette et le soleil tape sur mon crâne comme une masse sur son enclume. Je me sens un peu mal, nous filons au village nous mettre à l’abri et au frais. Croyez-vous que je stresse pour demain ? Non même pas ! En fait depuis le début j’ai l’impression que je vais faire un DO et pas plus. Je ne pense à rien, je profite du moment présent, parce que de toute façon, je ne suis là que pour le marathon final alors tout ce qui se passe avant c’est juste une formalité.

Dimanche 12 juillet — The Race Day 


Alors j’ai dormi 3 heures la veille, on est parti à 4 h 15 du matin de Nuremberg tellement on avait peur des bouchons. Pour le coup on fait podium sur l’arrivée dans le parking et on n’a pas eu de bouchon. Reste 2 heures à attendre avant de rentrer dans le parc. J’essaie de dormir dans la voiture, mais c’est trop tard l’adrénaline coule dans mes veines. C’est comme si toutes les lumières étaient allumées à tous les étages, tout le monde au garde à vous prêt à servir. 5 h 30 on rentre dans le parc déjà noir de monde. Je prépare mes ravitos, je vérifie mes pneus, dépose les sacs, et dernier bisou à mon Velu. Deux Twix et un pipi plus tard, je suis dans le sas de départ. 6 h 40, les baffles crachent « I'm so excited » que je fredonne en écho. Je me sens bien et j’ai rarement été aussi sereine sur un départ. C’est vraiment dans ma tête comme un entraînement, un samedi matin à Gloriette. Nous passons sous une haie de hola et nous voilà dans l’eau en direction du départ. Je suis dans la 3ème vague, celle de 6 h 45 et plutôt contente de ne pas avoir à attendre 8 h pour démarrer. Quelqu’un sur la berge fait le décompte avec ses doigts 4-3-2 et PAN le pistolet retenti derrière moi. 1 400 mètres tout droit pour arriver sous le pont et demi-tour à la bouée. Alors les Allemandes me surprennent énormément... elles sont en mode YOLO toute cette première partie. Un coup un droite, un coup à gauche, ça zigzague en tout sens. Je les laisse s’amuser et file tout droit. Demi-tour à la bouée pour 1 900 mètres et je remonte pas mal de filles. Je me sens en super forme, efficace dans mes mouvements et ma position et pas du tout essoufflée. Je bats un peu des jambes, très amplement pour ne pas avoir de crampe. Demi-tour à la seconde bouée, restent 500 mètres et c’est déjà terminé. Avant de sortir de l’eau, il faut grimper quelques marches. Un garçon me coule pour grimper avant moi sur la marche, je lui colle un pain dans la fesse et le fais couler à mon tour ! Puis j’attrape la main d’une bénévole que je remercie chaleureusement. 

Transition 1 — je mets 150 ans à trouver les toilettes (2 sont fermées par des cadenas, il faut que je retourne dans l’aire de départ natation) parce que je ne sais toujours pas pisser en nageant. Je laisse les autres me doubler, courir, s’énerver avec leur sac. Moi m’en fou, j’attends le marathon, je me préserve, 226 bornes, y a le temps de se crêper le chignon. Je me mets dans un coin de la tente et vide mon sac. Une bénévole me saute dessus pour m’aider à enlever ma combine. Je retire mon slip de bain, enfile mon cuissard, mes chaussures, mes gants, mes lunettes et file au vélo.

Premier tour à vélo, ces Allemands sont complètement fous ! Dans chaque village il y a de l’animation, de la musique, des tables avec des spectateurs, de la bière, des haut-parleurs, des haies d’honneur, des hola, des applaudissements, des crécelles, des panneaux d’encouragement. Ça file une pêche d’enfer. Le parcours est vallonné, un peu en montagne russe, mais le bitume est super lisse, un long ruban soyeux. Sur certaines parties je suis à 32 kms/h sans forcer. Dans chaque montée il y a une foule monstrueuse qui vous encourage. Je grimpe la belle bosse de Greding (10 % sur 1,5 kms) et double, surprise, quelques filles, nous sommes au 40ème kilomètre. Après c’est une enfilade de faux plats montants sur plusieurs kilomètres et je dirais que c’est plutôt ça qui fait mal aux jambes que les bosses en elles-mêmes. J’attends Solarberg avec impatience et sens la chaleur me piquer la nuque. Moi qui suis d’une nature frileuse c’est rare que la chaleur me pique sur le vélo. Je sais qu’il faut que je me méfie, hier j’ai failli me sentir mal et ça peut aller très vite après. J’attrape une gourde d’eau et m’asperge les épaules, la nuque, le dos, la poitrine, le visage, le crâne. Il faut que je reste humide comme après la sortie de l’eau c’est ma seule chance d’arriver fraîche au marathon. Le vent s’est levé dès le 60ème kilomètre et nous continuons de monter.
je me sens comme Jim Carrey dans "Tous Fous d'Irène"
Les descentes sont trop rapides pour que je puisse bien récupérer du vent et de la chaleur. Je sens mes lèvres se dessécher, j’ai parfois l’impression qu’elles se rétractent sur mes gencives . Mes yeux sont secs et brûlent, le vent forcit.

Nous passons le Solarberg et ce que j'y vis est indescriptible, c'est de l'adrénaline pure en dose massive.

En dehors des villages, il y a de grosses portions en plein vent avec des faux plats montants. Les boissons iso des ravitos sont tièdes et beaucoup trop chargées, je n’arrive pas à les assimiler. Le dégoût du sucré me prend aux tripes. Je commence à avoir des fourmillements dans la langue, la nuque et la tête engourdie. Je sais que c’est mauvais signe, il faut que je renverse la vapeur. À chaque ravito je change de gourde (une d’eau fraîche et une d’iso). J’avale une gorgée d’eau que je laisse dans ma bouche et tout de suite une gorgée d’iso que je mélange toujours dans ma bouche pour pouvoir avaler sans vomir. À chaque montée je ravale mes larmes et mes nausées. J’ai envie de pleurer, non pas de douleur, mais de rage. J’irai au bout, au bout de cet enfer cycliste, je hais mon vélo, je hais le vélo ! Il ne faut surtout pas que je vomisse sinon c’est la vraie déshydratation. Le soleil se fait encore plus piquant, le vent encore plus violent. Cette fois sur le second tour mes rayons sifflent et je suis freinée dans les descentes. C’est la valse des ambulances qui déboulent à tire-larigot. Plusieurs triathlètes font des malaises. Certains s’arrêtent avant, se mettent sous un arbre, s’allongent, boivent, mangent, essaient de récupérer. D’autres sont pris de crampes. Ma moyenne chute vertigineusement. Je pense à Yvonnick qui m’a toujours dit : quand il fait chaud, on oublie son chrono. Alors que j’étais sur une base de 6 h 20 de vélo sur la première partie, je suis maintenant en train de lutter pour ne pas me faire rattraper par la barrière horaire. J’oublie le chrono, je ferai un vélo de merde, mais je jure que je vais courir ce putain de marathon. J’ai mangé tous mes crackers (le sel empêche les nausées). Je continue de boire à ma façon, les nausées semblent s’estomper et surtout je m’arrose copieusement, je suis trempée des pieds à la tête comme si je sortais de la douche. Je fais deux poses d’1 min 30 s pour m’étirer. Mes trapèzes me brûlent, mais si je ne suis pas dans les aérobars, mon vélo part en moonwalk. J’ai tellement mal au dos ! Aucun des copains ne m’a doublée sur le vélo, et j’attends mon Velu. Ce n’est pas normal, il aurait dû me rattraper. Soudain j’ai peur. J’ai peur qu’il soit tombé, qu’il ait fait un malaise. Mais je dois poser ce fichu vélo, je dois arriver au parc avant les 9 h 30 fatidiques. Il est hors de question d’abandonner, hors de question de jeter l’opprobre sur le coaching d’Yvonnick à cause d’une météo caniculaire. Beaucoup de filles m’ont doublée. Ça m’agace religieusement, dans mon for intérieur je me promets de les reprendre sur le marathon. Ce n’est pas possible de ne pas laisser de plume sur ce vélo avec ce vent et cette chaleur, elles ne se rendent pas compte, voilà tout. Enfin une banderole sous un pont. C’est de l’allemand et je jure que j’ai absolument compris tout ce qui était écrit : dans 500 mètres c’est T2, j’y suis ! Il est temps, je n’ai plus d’eau depuis le dernier ravito, ça doit faire 7 kilomètres que je me dessèche comme une figue, j’ai la bouche en carton et les lèvres craquées. J’ai super mal aux pieds, mes chaussures de vélo blessent mes ongles, j’ai des ampoules sous l’ongle de mon gros orteil, je hais cette saloperie de vélo ! 

J’arrive au parc, manque de tomber à l’arrêt, je suis étourdie. Les bénévoles attrapent mon vélo et me dirigent vers la tente avec mon sac RUN. Une bénévole m’est encore totalement dédiée, et m’aide à me changer. La première chose que je lui demande c’est à boire. Elle me rapporte une bouteille complète. Je crois qu’à cet instant j’ai eu envie de lui embrasser les pieds. Je l’aurais fait si j’avais pu me mettre à genoux. Je passe de la NOK sur mes pieds, m’arrose, bois, re-bois, avale un isogel, bois, arrose ma casquette, enfile mes écouteurs et pars au premier ravito à la sortie de tente. Je re-bois et attrape 3 éponges (2 que je cale sous mes bretelles et une que je glisse dans mon dos). 

Enfin, enfin je me sens bien !  Je n’ai plus mal nulle part. Je suis légère, aérienne comme une plume. Pile dans mes allures. La musique résonne dans mes oreilles, je suis concentrée, mobilisée dans ma course. Je me sens à ma place. Je remonte doucement, inexorablement les filles qui m’avaient doublée sur le vélo. Je prends enfin du plaisir sur cette course. À chaque ravito, je prends du coca et de l’eau et surtout de la soupe de poulet. C’est bon c’est salé, c’est tiède, hydratant, ça fait du bien au ventre, c’est génial la soupe de poulet. Je vote pour qu’on inscrive la soupe de poulet au patrimoine mondial de l’UNESCO. Je veux lancer une pétition pour que la soupe de poulet soit OBLIGATOIRE sur toutes les courses longue distance. La soupe de poulet c’est la vie... la soupe de poulet c’est magique... la soupe de poulet c’est mon hobby, ma passion. Je reprends du poil de la bête, je me regonfle. Entre le 17ème et le 20ème nous passons dans un village en zigzaguant entre chaque ravito. Il y a des douches, des éponges, du coca, de l’eau, et de la soupe de poulet. C’est une pub pour Tahiti douche, je cours, je rie, je chante, c’est le paradis, il fait beau, il fait chaud, j’aime courir, et j’aime la soupe de poulet. Mais sans cesse je pense à Tugdual. Où est-il ? Pourquoi il n’est pas encore là ? Pourvu qu’il ne lui soit rien arrivé ? Anthony m’a doublée au 10ème kilomètre, mais il ne sait pas où est Tug, ça m’inquiète vraiment.

Et puis entre le 21ème et le 22 ème kilomètre, quelqu’un me tape sur l’épaule : c’est lui. Il est beau ! Il est frais, il court bien. Je savais, je le savais qu’il y arriverait. Sauf qu’en fait non, il me dit qu’il a abandonné au 120ème kilomètre de vélo. Il me dit qu’il a vomi, qu’il n’a pas senti tout de suite la chaleur, qu’il a failli tomber de son vélo, qu’il n’arrivait plus à lutter contre le vent. Il me dit qu’il a essayé 3 fois de se reposer 20 minutes, de s’hydrater et de repartir, mais qu’à chaque fois c’était de plus en plus dur. J’ai envie de l’embrasser ! Je suis heureuse, je suis contente qu’il soit si intelligent ! Je suis contente qu’il n’ait pas joué avec son physique, je suis heureuse qu’il soit vivant et en santé. Il me demande si je repasse par là. Il me dit qu’il ne veut pas trop courir avec moi, car il est rincé. Alors je lui dis de m’attendre, que tout va bien, que je suis bien, que je cours comme c’est prévu et que je m’éclate comme c’était pas prévu du tout. Je pense qu’on va bientôt faire demi-tour puisque le semi est passé. Mais on file encore tout droit dans la poussière du chemin de halage, le long du canal. C’est beau, il y a tellement de spectateurs, de triathlètes. C’est une énergie incroyable qui vous pousse et vous enivre. Je prends un peu plus de temps au ravito. Je commence à avoir des fringales régulièrement. Il me faut plus de solide. J’avale des crackers, mais ce n’est pas suffisant. Là j’ai envie de vraiment manger, mais rien ne me plaît. Je n’ose pas les fruits parce que mon ventre se porte à merveille. Alors j’avale plus de soupe, plus de coca et je croque dans un citron. Tout passe, absolument TOUT. J’aime mon ventre, j’aime mes jambes, j’aime les Allemands et la soupe de poulet.

Arrive le 30ème kilomètre, Tugdual me rejoint. Je lui dis que je suis désolée d’être si longue, mais que je n’ai pas marché, j’ai ralenti seulement parce que mes pieds sont douloureux. Mes chaussures de vélo m’ont meurtrie, j’ai mal aux ongles et à la voute plantaire alors j’évite de trop frapper le sol. Au 34ème kilomètre j’ai soudain l’impression que ma vessie va lâcher. Une douleur foudroyante me tord le ventre. Je m’arrête derrière la pancarte et montre mes fesses au canal. De manière générale j’ai très peu de pudeur, mais là avec la fatigue et la douleur, je pourrais montrer mon cul au président de république que ça me ferait ni chaud, ni froid.  Un petit pipi et je repars doucement, le 35ème kilomètre arrive. Je commence à ronchonner. J’en ai marre, plein le dos, c’est plus drôle là, je veux rentrer. Tugdual court à côté de moi, me dit que j’y suis presque qu’il ne faut rien lâcher. Je sais lui-réponds-je. T’inquiète pas, je ne craque pas, mais faut que ça sorte, faut que je râle un bon coup, ça me fait du bien aux nerfs. Tout du long je double du monde. Pas mal se tordent en deux, pris de spasmes, de crampes, de nausées. Je double même une fille qui fait un relais et qui souffre beaucoup de la chaleur. Le soleil commence à décliner, j’évite les épongeages, je ne veux pas attraper froid. Je bois et mange à chaque ravito. Tugdual me laisse pour partir sur l’arène d’arrivée. Je visualise mentalement l’arche « You did it ». Je la visualise depuis le vélo, je veux la voir, je veux passer dessous, il le faut, c’est primordial, c’est vital ! Au 39ème kilomètre, nous passons dans un village. Des tables de cantine délimitent le parcours en zigzag. Les spectateurs sont attablés avec des pintes de bière, des crécelles, des klaxons, des cloches. Un speakeur nous annonce aux haut-parleurs comme si c’était l’arrivée. Chacun tend sa main pour que nous la lui claquions. C’est magique. Nous sommes accueillis partout comme des Dieux de l’Olympe. Depuis plus de 13 heures j’entends des « Zuppa », des « Hopa » des « Respects » des « vive la France » je vois des gens me faire la révérence, me saluer, me tapoter les épaules, me crier dans les oreilles. C’est un monde de fou !


Enfin je reconnais le village, nous le traversons, c’est magique, la foule est amassée tout autour, il n’y a que des visages joyeux, des sourires, de l’énergie. Les larmes me serrent la gorge, je ne peux pas pleurer, je suis trop déshydratée et fatiguée pour ça. Je souris, je souris à me coller des crampes aux joues. Le goulot d’étranglement qui mène à l’arche « YOU DIT IT ». Ouais bordel je l’ai fait ! J’ai fait un chrono pourri, mais je l’ai fait ! j’ai rien lâché, je suis allée au bout de moi-même, au bout de ces 226 kilomètres et surtout je n’ai pas marché, j’ai couru, j’ai couru en pensant aux copains, aux mots d’encouragement de la veille. J’ai pensé qu’il me fallait ce succès absolument, parce que de mauvaises nouvelles avaient terni cette dernière semaine, ces derniers mois et que j’avais le droit à ce succès, à cette revanche et dire « fuck I dit it ! » et même s’il y a eu des obstacles, même si ça a été dur parfois cette année et bien je l’ai fait, j’y suis allée au bout et ce n’est pas un coup de bol parce que c’est la deuxième fois que je boucle un IM et même si je suis lente, même si je suis une triathlète en carton bouilli et bien I DIT IT !


Tugdual m’attend après l’arche, je suis tellement heureuse de le voir là, je veux qu’il coure avec moi, je lui ai fait promettre au 35ème kilomètre. Je sais qu’il se sent usurpateur dans ce moment-là, mais j’ai besoin de lui à mes côtés pour passer cette ligne-là. Je fais des moulinets avec mes bras pour chauffer la foule, je me grise de leurs acclamations, quelques foulées bondissantes les bras en l’air et me voilà arrivée.... enfin !



J’ai autour du cou la preuve concrète des 226 kilomètres, elle est lourde et mate, elle est monstrueuse comme cette course.



J’avale avec délice et précipitation un sandwich salami, fromage, cornichon et je jure que c’est la chose la plus savoureuse que j’ai jamais mangée.

À J+2, je n’ai plus aucune courbature, j’ai même couru dans l’aéroport pour attraper notre vol vers San Francisco. Je lutte pour garder mes ongles de pieds et je revis en boucle dans ma tête Roth 2015.







3 commentaires:

Anonyme a dit…

Ah ma copine Virginie !! Que je suis contente de te lire et d'avoir pu échanger avec toi par SMS avant le D-Day !!!
Comme d'hab tu t'es surpassée, et comme d'hab tu es épatante, pleine d'entrain et d'humour. Je me dis qu'il est bien loin le temps où je te donnais des conseils pour ton 1er XS à Nantes. Tu es une MEGA WARRIOR, une IRONWOMAN !!!

Bises à toi et à Tug

Anne

Anonyme a dit…

Un immense bravo à toi Virginie. Tu es loin d'être une triathlète en carton bouilli, tu es une triathlète pétillante, téméraire...heureuse de vivre.

Eva

Virginie_l a dit…

Merci les copines.
Anne je pense toujours à toi quand je fais du long et à Royan quand je suis venue t'encourager. Tu m'as montré ce jour là qu'avec la volonté on arrive à vivre ses rêves.