2 mai 2010

JE SUIS MARATHONIENNE

Samedi 1er mai :
Je passe rapidement sur la journée d'hier qui était interminable.
J'étais claquée toute la journée, avec une irrépressible envie de dormir.
Pendant le repérage du parcours, je piquais du nez et en rentrant j'ai dormi 1 heure (j'aurais dormi plus si Tugdual ne m'avait pas réveillé).

Je suis un peu démoralisée car le parcours n'est pas si roulant que ça.
La deuxième moitié du marathon comporte pas mal de difficultés sous forme de bosses dès le 27ème kilomètre - ça promet d'être dur (3 belles bosses et plusieurs faux plats).

En plus je trouve déjà long de faire le parcours à voiture et je n'ose imaginer que demain je vais le faire en courant.

Je suis au 36ème dessous...

Nous essayons de nous changer les idées en allant voir Ironman 2 au cinéma, et j'avoue que le sourire carnassier de Robert Downey Junior me fait oublier quelques instants l'échéance de demain.

Nous rentrons excités comme des puces car l'échéance est très proche.

Je ne me suis endormie qu'à 23 h 40 car j'étais trop énervée et tendue.
(n'me stresse pas Chéri, J'suis TENDUE)

La nuit a été courte car je me suis réveillée à 4 h 00 du mate et qu'ensuite j'ai mis du temps à me rendormir.

Dimanche 2 mai 2010 matin, Marathon de Nantes 42,195 kms

6 : 00 le réveil sonne, je me lève, la tête dans le gaz total.
J'ai rêvé que ma défunte maman m'apportait un brin de muguet, je crois que ça veut dire que je finirais le marathon : elle veille sur moi.
Je mange un cake de Babou qui a du mal à passer, j'ai la nausée, mon estomac est tordu.
Je file sous la douche et retourne me coucher car je suis pétrifiée de froid.

Tugdual est super stressé et j'ai du mal à faire en sorte que cela ne m'atteigne pas trop.
Il vient me houspiller car il a peur d'être en retard.
Il a raison, face au stress, je me réfugie souvent dans une posture amorphe, voir dans le sommeil profond.
Et là je suis super stressée et j'ai envie de dormir comme jamais.

Je me secoue un peu et m'habille vite fait (tout est préparer de la veille). Il pleuviote dehors, ça me file le bourdon de devoir démarrer le marathon sous la grisaille, le froid et l'humidité.

Je décide de mettre mon tee-shirt Odlo d'hiver sous mon super tee-shirt Runvirginie.

Nous voilà dans la voiture en route pour l'Ile des Machines. Oulala d'un coup j'ai super faim (le stress qui fait son effet encore). On fait demi-tour et j'emporte des krackers pour en manger un paquet avant que mon estomac ne remonte dans ma gorge.

J'ai une boule au creux du ventre depuis que je me suis levée. J'ai la peur qui me ronge les entrailles... Mon coeur cogne dans ma gorge et je me réfugie dans le silence.

Nous arrivons sur le site et je n'arrête pas de faire pipi toutes les 2 minutes (alors que ça fait 1 heure que je ne bois plus rien).
Je demande à Tugdual de venir m'accompagner sur un léger échauffement et nous trottinons sur quelques mètres. Je suis contente les sensations sont au rendez-vous.
J'en profite pour avaler mon premier immodium. Je me sais fragile du côté intestinal et je ne veux pas que cela vienne gâcher la fête.

Je me sens un peu mieux au contact de mes congénères capeurs. ça sent l'embrocation siamoise (je sais que ça n'existe plus, mais cette odeur a bercé toute mon enfance) et c'est comme une petite madeleine de Proust qui me réconforte et me donne du baume au coeur.

Les autres barjos de la course ont l'air encore plus stressés que moi et me jette des regards hallucinés de biche pris dans les phares d'une voiture.

Je trouve qu'ils sont tous vachement affûtés mais Tugdual me rassure en me disant qu'il doivent penser la même chose de moi.

Maintenant la boule de mon estomac fait la taille d'une boule de bowling, il est temps que le départ soit donné.

9 h 00 : ça y est nous voilà dans le feu de l'action. Enfin dans le feu de l'immobilité.
ça n'avance pas devant nous. Nous passons sous l'arche presqu'en marchant.
Je dis à Tugdual, bon c'est cool, si c'est comme ça, ça sera pas trop dur - il sourit.

Nous passons les premiers kilomètres assez rapidement. En tout cas bien au dessus de l'objectif de 6:05 fixé par nous-même.

Nous sommes aux alentours de 5 : 40 du kilomètre et mon souffle a du mal à se caler.
Pourtant le ballon des 4 h 30 est bien loin devant nous.
Nos voisins sont surpris comme nous que le meneur soit parti si vite.
Moi je m'en fiche, j'essaie de caler l'allure voulue et ne m'occupe pas de ce détail.

5ème kilomètre : nous sommes pile dans l'allure ciblée, je suis contente et c'est chouette.
10ème kilomètre : toujours dans les clous, nous passons à 1:00:27 au lieu de 1:00:34
Quelqu'un me dépasse et reconnait le nom de mon site et mon patronyme inscrit sur mon tee-shirt.
Il me dit "Hey, je connais ton blog, je le lis régulièrement, il est super"
Déjà que je n'arrêtais pas de sourire depuis le début, là c'est la méga-banane.
C'est chouette la course à pied.

Tugdual semble surpris et pense que le 10ème n'est pas placé au bon endroit.
Il trouve ce kilomètre un peu court.
En tout cas maintenant la boule de mon estomac est parti, je me sens enfin dans la course.

Moi je mets du coeur à l'ouvrage, bien que mes pulses soient tout de même un peu hautes.
Je tourne aux alentours de 155 bpm et j'aimerais bien accélérer un peu, mais j'ai peur de me fusiller.

Au 14ème kilomètre je regarde ma montre et je constate que nous sommes à 1 h 26 au lieu d'1 h 24. ça me colle le bourdon illico-presto.
Je commence à avoir sérieusement envie de faire pipi et n'ose pas trop boire à mes gourdes pour ne pas accentuer l'inconfort.

Je rencontre un sérieux coup de mou entre le 15ème et le 17ème kilomètre. Le moral n'est pas au rendez-vous.
Tugdual me dira plus tard que c'est le constat sur notre allure au 14ème kilomètre qui m'a perturbée.
Rajouter à cela que je commence à épuiser mes réserves de sucre (ce que j'ai pris au 10ème kilomètre n'a pas encore agit) et vous aurez une Virginie toute déconfite.
Je repense aux message d'encouragement des filles de CAF et aux hurlement de Quasi au 3ème kilomètre et ça m'accroche pour la suite.
Je repense aussi à mon rêve de la veille et je me dis que je n'ai pas le droit d'échouer aujourd'hui.

17ème kilomètre : j'ai pris des Jelly Bean à la caféine, ça me file une pêche d'enfer. Je branche mon ipod et c'est parti avec Aretha Franklin et son fameux " Think".
Je mène une allure d'enfer. Tugdual me tape sur l'épaule pour me faire ralentir.
Ralala ce qu'il peut être rabat-joie des fois. J'ai de supers sensations, des petites ailes aux chevilles et je veux voler...

19ème kilomètre : je commence à avoir les jambes dures, ça me file la trouille, car c'est un peu tôt pour commencer à souffrir.
Il faut dire que j'ai taper dans le dur sur 2 kilomètres en montant mes pulses allégrement à 170 bpm.

Je demande à Tugdual s'il ressent la même chose et il me fait signe que non - ça m'énerve, mais ça m'énerve. A ce moment là, j'ai envie de lui faire mal - Je sais ami lecteur tu me trouve dure, mais quand je souffre et bien je suis méchante.

21,100 kms : le semi est passé en 2 h 11, pour l'instant pas de réelles difficultés et puis depuis le 20ème kilomètre je n'ai plus vraiment mal aux jambes.
Je me sens à nouveau mieux car je m'alimente régulièrement.
Pour l'instant je ne me suis arrêtée à aucun ravitaillement, je navigue en auto-suffisance.

Le beau temps est au rendez-vous depuis le début, et vraiment ça rend cette course très sympathique.

Nous ne sommes plus dépassé maintenant et notre allure est constante depuis pas mal de temps.
ça me fait plaisir de constater que l'entraînement paye et me permet de ressentir exactement quelle foulée je dois avoir pour atteindre mon objectif.

La musique berce toujours ma course, Daft Punk en live et j'ai l'impression que leur public m'ovationne moi. Je deviens mégalo au fur et à mesure que le parcours est avalé.
Je souris aux anges, je n'arrête pas de me dire, tu es en train de courir un marathon.
Je me sens l'Élue, je suis touchée par la main de Dieu.

24ème kilomètre nous courrons maintenant en bord de périphérique et nous accompagnons un groupe qui pousse des enfants malades sur une charrette tout le long du marathon.
Ils sont très motivés et se relaient régulièrement. ça rigole, ça se vanne.
Nous restons à leur hauteur pendant 4 kilomètres. Ils sont chouettes.

La petite fille qui est dans la poussette nous lance des regards doux et son sourire est un vrai soleil - A ce moment là : je l'adore cette petite fille.
Je me dis, regarde la chance que tu as de courir, de sentir la douleur de tes muscles.
Elle, elle ne peut que participer par le coeur et la pensée et pourtant elle sourit comme si elle galopait pour de vrai.
Son courage me redonne de l'énergie.

27ème kilomètre et je suis en super forme. Le fait d'avoir dépassé le semi me donne moral d'acier. Je me dis "maintenant tu vas approcher vraiment et toucher du doigt le vrai marathon".
J'ai hâte car je sais que bientôt, je saurais où se situe exactement ma volonté et ma force mentale.

Nous montons la première bosse, et déjà certain marche et sont mal en point.
J'adore monter les bosses dans ces conditions. Je m'étais préparer mentalement à ce challenge, je suis prête. A l'aide de mes bras et à menues foulées j'avale la première côte.

Il règne un silence de cathédrale...Aucun bruit, pas même celui des pas sur l'asphalte, ou celui des souffles des coureurs. Nous souffrons tous en silence. Nous sommes en recueillement, focalisés sur nos objectifs personnels. St Marathon est un dieu cruel.

30ème kilomètre : nous voilà sur une seconde bosse et accessoirement au point le plus loin que j'ai jamais parcouru jusqu'à présent. Je coupe ma musique.
ça y est j'y suis, les 12 kilomètres qui restent sont de l'aventure pure et dure.
Un challenge mental entre moi et moi.

Tugdual s'arrête au ravitaillement pour me remplir ma gourde et manger quelques fruits secs.
Il mettra un peu plus de temps que prévu à me rattraper. Il commence à morfler, alors que moi je vais super bien et ai un peu accéléré.
Il m'avouera plus tard qu'il pensait être largement en meilleur condition que moi et qu'il ferait ce marathon facilement.
C'est pour ça qu'il a joué les ravitailleurs et fait des pointes de vitesse pour me rattraper après les stands. (Il le paiera en fin de course).

Je commence à avoir vraiment mal aux jambes et mes mollets sont durs. Je ne sens plus mes pieds, je sais que maintenant c'est ma tête qui coure et non plus mes jambes.

J'ai mal au ventre, je sens les prémices d'un inconfort intestinal imminent.
Je fais fondre mon deuxième immodium de la journée en priant le ciel que ça me fasse tenir jusqu'au bout.

32ème kilomètre, je te rappelle lecteur que j'ai envie de faire un gros pipi depuis 2 heures.
J'aperçois un bosquet en bas d'immeubles. Et maintenant les autres capeurs sont loin devant et derrière nous - je me sens plus sereine pour me soulager.

Je fais signe à Tugdual que je m'arrête - il m'attend comme un gentleman.
Evidemment, arrive ce qui devait arrivé, mon corps me trahit d'un coup et m'inflige l'humiliation d'une défécation sauvage, violente et très peu féminine.

Je suis morte de rire en revenant sur le parcours et raconte l'histoire à Tugdual qui est plié en deux. En tout cas maintenant, allégée de toute dignité humaine, mes pulses sont redescendues à 160bpm.
Je me sens toute alerte et suis contente de penser que plus rien ne peut me ralentir (j'aurais tort vous vous en doutez).

J'ai mal à la tête car je commence à être déshydratée et l'effort fourni devient assez intense pour moi. Je bois plus que sur la première partie de parcours et ça passe doucement.

33ème kilomètre : nous passons devant Martine et Michel qui nous attendent pour nous encourager. C'est chouette, ça me file la pêche. Je lui crie que tout va bien et que je me sens en pleine forme tout en lui faisant signe que c'est dur et que je souffre. Elle éclate de rire, elle connaît mon côté tête brûlée.

37ème kilomètre : oulala ça devient extrêmement dur de soulever les pieds. Maintenant j'ai vraiment mal et mes muscles se rebellent. Beaucoup de personnes marchent et ont l'air rincée.
Moi je suis rincée mais il est HORS DE QUESTION que je marche.

Je ne sais plus si c'est à ce moment là que je me suis arrêtée pour la première fois au ravitaillement mais il est sûr que maintenant je prends tout ce que l'on me tend.
Je veux donner du jus à mes muscles, je supplie mon corps de ne pas me lâcher maintenant.

Je me répète en leitmotiv "t'es une putain de marathonienne, t'es une putain de marathonienne".

Je serre les dents, j'ai mal : tant mieux. je l'ai voulu cette confrontation avec ma volonté.
Je l'ai... je la savoure.
Je pense : il reste 5 kilomètres, je me sens incapable de les faire. Si j'étais en entraînement j'aurais arrêté là.
Un homme s'allonge parterre pris d'une énorme crampe. Aider de son collègue, il essaie de faire passer la contracture.

Nous passons maintenant dans le jardin des plantes et Tugdual n'est pas bien. Moi qui avait l'impression d'aller moins bien que lui. Je m'aperçois dans un virage qu'il lâche prise.
ça n'augure pas du meilleur pour la suite.
Pourtant cette partie du parcours est super agréable et jolie, moi j'essaie de profiter des encouragements et de la présence rassurante des arbres pour oublier ma douleur.

Nous voilà dans une étroite ruelle, Tugdual s'exclame, mais par où nous font-ils passés ?
Je lui répond "ils nous emmènent au finish".
Je sens qu'il commence à craquer moralement. Je me dis que s'il le faut je l'emmènerai par la main mais qu'il ne me claquera pas dans les doigts si près du but.

38ème kilomètre : Tugdual se met à marcher. AH NAN ! me dis-je en continuant à trottiner.
Je l'invective "Aller Chéri, Aller, si je peux le faire, tu peux le faire".
Il me répond "oui, oui je sais" et se remet à trottiner.

J'essaie de ne pas trop soulever mes pieds pour courir car à chaque fois cela déclenche des décharges de douleurs presque insupportables.
Mais je me sers de mon expérience d'accouchement sans péridurale et me dis "tu as survécu à ça et c'était 100 fois plus douloureux donc tu peux y arriver, tu vas y arriver, T'ES UNE PUTAIN DE MARATHONIENNE".

Tugdual se remet à marcher. Je suis derrière lui à ce moment là. Je le dépasse et lui attrape le poignet. S'il faut que j'utilise mes dernières forces pour le traîner, je le ferais.
S'il lâche prise maintenant, je vais flancher.
Il se remet à courir...il est mort...

Nous arrivons maintenant près du pont St Anne qui annonce les derniers kilomètres. Nous entendons d'ailleurs les hauts parleurs du finish.

Je dis à Tugdual "aller c'est la dernière bosse et on y est !".
Une dame qui a finit son marathon nous crie "Aller les gars et les filles, c'est la dernière bosse, on va chercher la médaille".

J'ai les mollets en feu. Mes jambes sont coulées dans le béton et pourtant j'arrive encore à les soulever. Il est HORS DE QUESTION de marcher. Beaucoup marchent dans cette ultime bosse, mais moi JE NE MARCHERAIS PAS.

Après la bosse Tugdual se remet à marcher. Je le laisse, je le sens à bout. Il me dit accélère si tu veux moi je ne peux pas. Je ne veux pas le forcer à me suivre. Je sais qu'il est déjà triste de ne pas finir avec moi. Pourtant je ne me sens pas la force d'accélérer et rigole à sa proposition.
Mais finalement comme je cours, je commence à mettre de la distance entre nous.

40ème kilomètre, je me fais dépasser par le ballon des 4 h 30. Alors là NON DE DIEU, il est HORS DE QUESTION de finir derrière lui. Je ne sens plus Tugdual dernière moi et j'espère qu'il va mieux.
La meneuse est super sympa, elle m'encourage : "prends du glucose pour les 2 derniers kilomètres, vas-y tu vas y arriver, tu peux jurer tout ce que tu sais maintenant"
Je m'arrête au dernier ravitaillement, prends du glucose (c'est immonde) et me précipite vers l'eau pour rincer ce goût dégueulasse.

Et là je me dis "maintenant tu te sors les doigts.....de la bouche et tu vas accélérer ma cocotte et tu vas finir ce marathon avant 4 h 30".
"C'est pas 2 kilomètres qui vont te faire peur!!!"
"T'es une runneuse et tu ne lâches rien"

Il est 4 h 17, je m'engueule "tu devrais déjà être arrivée, quelle C****, arrête de te plaindre et AVANCE BON DIEU, t'es UNE PUTAIN DE MARATHONIENNE et tu dois courir au lieu de te trainer"

Et à partir de ce moment je commence à accélérer. je redouble le ballon des 4 h 30, et d'autres capeurs rincés comme des soupes. Au coin du quai des Antilles je double un jeune homme en m'esclaffant "Il commence à me casser les Burnettes ce marathon". C'est idiot, mais jurer depuis que j'ai mal me fait un bien fou.

Km 41 - la machine est relancée




J'accélère encore. M'en fou, ça passe ou ça casse. 42 ème kilomètres et j'ai doublé pas mal de monde qui me regarde avec un air ahuri se demandant ce que je fais à accélérer comme une dératée alors que s'il me reste tant de jus, j'aurais pu courir plus vite tout du long.

Ce qu'il ne savent pas c'est que du jus, je n'en ai point.
Je cours grâce à ma volonté, à ma haine. Car maintenant j'ai la haine de ce foutu Marathon. Je le maudis, je me maudis. Je vais lui foutre un bon coup de pied aux fesses à ce Marathon.

Je m'appelle Virginie LOZINGO GRALL (c'est marqué dans mon dos) et JE SUIS UNE PUTAIN DE MARATHONIENNE.

Les derniers 500 mètres : j'accélère au maximum. Mes foulées sont larges et puissantes, mon souffle est court, ma tête est déformée par l'effort.

Je passe la ligne d'arrivée et vois le panneau affiché 4 h 28 - ma montre affiche elle : 4 h 27.
Quelqu'un me saute dessus dans le sas pour m'enlever la puce.
Je n'arrive plus à marcher. Je titube d'une table à l'autre.
Un pompier s'attarde un peu à ma hauteur avec un air interrogateur.
Je sais que je grimace, je crois que je vais m'effondrer mais non mes jambes avancent.
je marche comme un robot désarticulé.

Je ne pleure pas, j'ai mal, très mal. Je ne suis pas heureuse, je ne suis pas triste.
Je suis sous le choc.

On me met une médaille autour du cou, il faut que je me penche car la dame est toute petite, j'ai peur de m'écrouler sur elle et de l'écraser.
On me tend un sac de pub et quelqu'un veut me donner une inscription au marathon de Vannes.
Voyant ma tête, il recule le papier et dit " non, non, je crois que vous n'avez pas envie"
Moi je crois que j'ai envie de le mordre tout simplement et qu'il a compris le message et a eu la trouille.

Je me mets derrière un poteau métallique pour m'étirer les mollets, j'ai tellement mal que je pleure. Enfin j'essaie de pleurer car aucune larme ne jaillit, mon corps ne sait plus fabriquer de larmes. Je gémis plus que je ne pleure.
Au bout de 10 secondes, je me dis que si je ne me ressaisie pas je vais finir à l'infirmerie car je vais complètement craquer. Mes nerfs me lâchent.

Je n'ai qu'une envie tomber dans les vapes pour ne plus avoir mal.
Pourtant j'avance comme un zombie en quête d'un siège.

Je décide d'aller m'asseoir par terre, au soleil et de masser mes mollets contractés et ultra douloureux.
Une dame qui s'étire me demande si ça va.
Je lui dis que non, que c'est mon premier marathon.

Elle me demande combien de temps j'ai mis, et je lui annonce penaude : 4 h28.
"Oh moi aussi "répond-elle.
Cette dame doit avoir 50-55 ans et à l'air en meilleure forme que moi. Sur cet entrefaite, sa fille arrive.
La dame s'exclame "c'était génial, j'aurais pu continuer encore longtemps"
Là, j'ai failli re-pleurer et je l'ai enviée.

Tugdual arrive enfin. J'avais peur qu'il ait craqué complètement mais il s'est mis à recourir.
Il finit en 4 h 33 et à l'air dans un aussi piteux état que moi.

Nous essayons d'aller nous faire masser mais il y a trop de monde et rester debout dans la queue nous est insupportable.

Nous marchons sans plier les genoux ce qui nous donne la démarche de manchots empereurs échoués sur la banquise.

Je crois bien que je ne retrouverais jamais plus aucune sensation de bien-être dans mes jambes.
Mais je suis heureuse...

CE SOIR JE SUIS UNE MARATHONIENNE et qui plus est une marathonienne qui a fini en sprint (enfin en courant vachement vite je trouve).

Je suis fière de moi malgré les 8 minutes supplémentaires sur le temps total et me promet de recommencer prochainement.

La Rochelle : attention me voilà....

Objectif : finir le marathon avec le sourire et éviter le mur au 37ème kilomètre.
plan d'action : tester les boissons d'effort pendant l'entraînement et éviter ainsi de manger du solide (problème intestinaux) en apportant du glucose tout du long aux muscles.
Faire en sorte que ma FC moyenne ne dépasse pas 155 bpm (163 bpm de moyenne sur toute la course c'est bien trop haut et c'est en partie pour ça qu'au 37ème je n'avais plus de jus).

Résultat :
42,195 kms
4 h 27 :33
2 965 kcal
163 bpm moyen
177 bpm maxi
1 539ème / 2 200 inscrits (1 707 arrivants)
109ème femme/144
26ème / 39 dans ma catégorie

Sensations post-marathon : au bout de 2 heures je n'ai plus aucune douleur musculaire (ça me surprend énormément).
Je souffre uniquement des genoux et des hanches. Mes articulations ont bien morflé, j'ai l'impression que mes rotules vont jaillir de leur écrin.
Je fais 20 minutes d'étirements, je me déplace à l'allure d'une tortue.

Je passe une très mauvaise nuit. Ma peau est brûlante. Mon corps se répare et ça turbine dur là-dedans.

J'ai de petites fringales, mais je n'arrive pas à manger, je fais de l'anorexie post-sport (enfin c'est comme ça que je l'analyse).

Si Tugdual ne m'avait pas préparer un plat de pâtes, je me serais couchées sans rien d'autre qu'un morceau de pain.

Je n'ai pas le goût de me nourrir. Pourtant les pâtes sont bonnes.
Je pense à manger aussi des protéines pour réparer mes fibres musculaires (je ne sais pas si j'ai mangé correctement pour bien récupérer).
Je colle une tranche de saumon fumé dans un morceau de pain et le goût du sel me fait un bien fou, ça me donne autant de plaisir que de manger un bon bout de chocolat.

Je me sens un peu mieux et vais même manger un yaourt.
Le sel m'a redonner envie de m'alimenter...

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Ce soir je suis marathonienne et c'est tout ce qui compte...

12 commentaires:

Nathou a dit…

Bravo Virginie, tu fais partie de la grande famille maintenant. Je regrette juste un peu la tristesse que l'on ressent en lisant ton récit, c'est dommage:(
Nathou

Anonyme a dit…

moi,je n'y ai pas vu de tristesse,mais que de douleurs !!!
De la souffrance,de la putain de volonté,de la violence contre soi....
Et pour moi,beaucoup d'émotion à te lire
et ce bonheur qui va petit à petit t'envahir de te découvrir marathonienne!!!bravo !!!!!
Quand je pense que je n'ai même pas couru un semi!!
Vos marathons me font peur!!!!
Bisous
jeanmarieléa

Virginie_l a dit…

hmm, il y a un peu de l'un et l'autre.
un marathon c'est beaucoup d'émotions à gérer je trouve.

Je suis encore sonnée aujourd'hui de tout ce que j'ai vécu mentalement.

aujourd'hui les larmes me montent aux yeux régulièrement. Dès que je vous lis, dès que j'entends une musique.
C'est grave docteur ?

En tout cas je suis super motivée pour La Rochelle qui me verra, je l'espère, heureuse de bout en bout.

gaellou a dit…

Tu as un sacre mental Virginie ! Bravo, tu es epatante ! Bonne recup, vas-y cool !

La classe de CAP1 Matelot du LPM Boulogne/Le Portel a dit…

Félicitations Virginie! Je savais que tu irais au bout de ce marathon. J'ai suivi ta prépa musclée sur ton blog et j'ai toujours senti de la gniak et de la volonté dans tes CR.
T'es une sacrée nana!
Encore bravo et j'ai hâte de suivre la suite de ton parcours de CAPeuse.

katebeedies a dit…

ce récit est GENIAL ! quelle force de la nature, c'est un régal de lire tout ça. Bravo, et félicitation madame la marathonnienne !

Anonyme a dit…

Tu es une "putain de marathonnienne", cela m'écorche les doigts de l'écrire mais tu le mérites.... Quelle volonté et surtout de penser déjà au suivant !!!! Encore bravo Rohini
Zazie68

famille jaff a dit…

Je n'ai qu'un mot : BRAVO !!!
Elodie

Gaelle a dit…

Un grand bravo : le premier marathon, c'est que du bonheur ... apres !
Bon courage pour le prochain : esaye de viser 4h, il me semble que tu peux y arriver

famille jaff a dit…

salut machine tu vois tu es une vrais machine maintenant il ne te reste plus qu'a faire un match de foot avec prolongation et tir au but et voila tu seras une hâtelette confirmé.
en tout cas chapeau quand tu es parti tu commençais juste à courir et maintenant tu ne t'arrêtes plus c'est trop cool.
bravo !!!!!!!!!

Virginie_l a dit…

Merci Jérôme.
Une machine sur l'île aux machines = rien d'anormal ;-))

pour le foot je passe mon tour - je vois déjà les crampons des autres atterrir dans mes tibias (ouille)

Marathonblog a dit…

Virginie,
Un grand grand grand bravo pour ta perf. Que de chemin parcouru depuis ton premier essai. j'ai vraiment bien aimé ton texte qui retransmet bien ce qu'est un marathon, il servira à des tas de gens qui envisage cette aventure. Tu dis tout en une phrase : "Je coupe ma musique.
ça y est j'y suis, les 12 kilomètres qui restent sont de l'aventure pure et dure.
Un challenge mental entre moi et moi." C'est exactement ça le Marathon, faire 30 bornes pour avoir le droit, le privilège, de vivre une aventure perso sur les 12 dernières...
On se verra peut être à La Rochelle que je prépare aussi, mais bizarement c'est plus dur de préparer un deuxième marathon qu'un premier... encore une chose à apprendre sur l'âme humaine.
Encore bravo pour ce courage
(excuse moi j'ai validé un peu tard ton message sur mon blog, trop d'occupations en ce moment)
Frédéric