17 janv. 2008

Non je ne suis pas complètement folle !

Personnellement, lorsque je coure, je me fais un film dans ma tête. Cela commence toujours par ce qu'il s'est passé dans la journée : j'évacue le stress du travail, j'anticipe...
Puis très rapidement, et je sais que c'est tout à fait narcissique, je me projette comme une athlète de haut niveau, qui performe une course extraordinaire, j'entends même les commentateurs sportifs m'encenser. Je suis à la fois actrice et spectatrice, je sens la fierté dans le regard de mes parents.

En bref, je divague...mais ça fonctionne, je ne m'aperçois même plus de certains kilomètres courus qui semblent comme avalés.
La musique augmente cette sensation, je me vois même en metteur en scène de cette action, j'imagine les effets de caméra, les fondus-enchainés sur fond musical émouvant.
Ok Ok, je l'avoue, je suis sûrement encore un peu une midinette par moment.

Et vous savez quoi ?
et bien hier j'ai explosé mon record perso...

En fait quand j'ai repris la CAP, j'étais absolument destabilisée, en perte de confiance.
Je pensais que la CAP était l'objet de tous mes maux. Il faut dire que lorsque j'ai commencé à courir c'était en tout premier lieu pour surmonter des moments difficiles de ma vie.

En 2006, et en seulement 9 mois, j'ai perdu ma mère d'un cancer (maman, ma seule confidente, amie et guide). Sur le net mon 1er et unique amour m'a retrouvée et j'ai décidé de mettre un terme à l'immense mascarade que représentait mon mariage, j'ai donc vendu ma maison, négocié un licenciement avec mon tyran de patron et entamé une relation virtuelle (oui la distance qui nous séparait ne permettait pas le rapprochement réel) avec l'homme de ma vie (nous l'appellerons dorénavant : T).
A cette époque je me suis remise à fumer (quelle vilaine manie), j'avais besoin d'une béquille psychologique. Mais je me décevais, j'ai donc promis en mon fort intérieur d'arrêter et de m'en sortir (c'est bien moi qui avais allumé cette foutue première cigarette, c'est donc moi qui mettrais un terme à cette addiction). Il était hors de question d'y arriver par un autre moyen que la volonté (à bas les médicaments et autres remèdes).

Quoi de mieux que de remplacer une addiction par une autre ? Me dis-je.

La première fois que j'ai couru, je suis partie comme l'aurait fait Forrest Gump, comme un chien fou, suffoquant, haletant, pas de running aux pieds, mais de méchantes chaussures de fitness. J'ai pas couru longtemps certes, mais la sensation était si grisante, si enivrante de liberté que mon addiction est devenue instantanée.

Et puis comme toute toxico qui se respecte, j'en ai voulu plus, toujours plus, encore plus....
Il y a une époque, où je courrais, je fuyais devrais-je dire, parfois 2 fois par jour, de longues sorties de plus d'une heure. Des kilomètres enchaînés à la suite, sans logique, comme si je fuyais ma propre existence, ma souffrance.

Je me suis même lancé comme pari, de faire le 24 décembre, 24 fois le tour du terrain de foot en moins d'une heure. Mes enfants passaient pour la première fois Noël chez leur père et j'étais seule, si seule.
Je frolais l'overdose.

Des Troubles Obsessionnels Compulsifs me sont apparus, il fallait courir au moins une fois chaque jour, sinon mes projets ne se réaliseraient pas. Il fallait aussi pédaler sur le vélo d'appartement pour que le temps s'égraine plus vite (oui dans mon subconscient j'assimilais le roulement des pédales à l'avancé des aiguilles de l'heure).
Il fallait faire minimum 200 abdos pour devenir plus forte.
Il fallait que l'appartement soit ranger et laver chaque jour de fond en comble, que le fil électrique de l'aspirateur s'enroule d'un coup sans rater. Il fallait que le tapis soit aligné sur le carrelage, que les interrupteurs soient tous dans le même sens.
Il fallait aussi que je me frotte et me presse le corps et le visage pour extraire chaque impureté.
J'utilisais la microdermabrasion chaque jour, à me mettre la peau à vif.
Il fallait, il fallait....

Après de longs mois à malmener mon corps, car je ne mangeais pas non plus, après avoir perdu 10 kgs et m'être épuisée jusqu'au bout du rouleau, j'ai eu la chance de ne rien me casser.
Mais ma vie personnelle s'en est ressentie. Agressive envers mes enfants, je ne les supportais plus. Je ne vivais que dans l'attente du retour de mon amoureux et dans la passion de la course à pied. Internet était ma seconde langue, ma seule et unique patrie, la seule fenêtre que j'avais laissée ouverte sur le monde extérieur. Le seul lien qui me reliait à T, à nos projets, qui concrétisait notre amour, et qui justifiait les sévices que je m'infligeais.

Je m'étais perdue en moi-même, la seule chose qui me faisait me lever, c'était courir.

Quand je repense à ces moments, ce ne sont pourtant pas des moments tristes. C'est une souffrance mêlée d'impatience, et de bouffées délirantes dues aux endorphines secrétées à chaque course.
Comment expliquer en d'autres termes que ceux empruntés aux junkies pour détailler les effets ressentis. Pendant la course et après surtout, c'est comme si tout baigne dans l’ouate, rien ne m'atteint, j'ai les réactions d'un bulot cuit. Je suis peace and love...Aucune nouvelle n'est mauvaise, tout est édulcoré, adouci, toutes est pastel, rien n'est vif.

Mais finalement au bout de plusieurs mois, ma raison de vivre est revenue petit à petit. Avec la concrétisation du retour de T qui a ouvert à nouveau en moi un énorme appétit de vivre, d'aimer mes enfants, d'être aimer, de croquer la vie à pleines dents et d'exister.

Je ne veux plus les ignorer à cause de ce sport, je veux maintenant que ce sport soit une force pour nous tous.
Voilà pourquoi mon objectif de marathon est fixé. Car je sais que pour l'atteindre il faudra que je sois forte physiquement et moralement.

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